Tous les coureurs se retrouvent dans la pénombre à l’entrée de la piscine. Il y a du beau monde, Chez les dames :
Claire Bannwarth, Anitha Lehmann, Emily Vaudan, Denise Zimermann et Katja Fink (deux futures participantes de la 660). Chez les homme : Peter Kintzel, Patrick Tschümy, mon voisin d’Arzier Alexandre Jorge et mon héro victorieux d’Ultraméditerania en Espagne, Martin Perrier. Plus beaucoups d’autres futurs participants de la 660, comme Johacim Bülher, David Decasteker, Peter Tönz, Philippe Carrard et j’en oublie certainement..
Le départ est donné à minuit précis,
Les 120 concurents s’élancent à travers les rues du village de Teserete et au passage devant le seul bar ouvert, la musique à fond, tous les clients nous encouragent à tue-tête.
Puis c’est la montée en direction du couvent, sur des chemins de cailloux qui ne sont pas adapté pour les bâtons de mache. Le rythme est élevé pour moi, mais je m’accroche en milieu, fin de peloton.
Au sommet du Monte Bigorio, après env. 600m de montée, je suis en assez bonne position, juste derrière David Decasteker. Puis les longues descentes très roulantes, parsemées de légères remontées et replats ne sont vraiment pas faîtes pour moi, beaucoup me dépassent.
Après Camignolo, alors que j’avais pourtant repérer le coin, nous nous embarquons avec 3 autres concurrents sur le mauvais chemin. Heureusement pas plus de 50m avant qu’un autre nous lance que « c’est ici la bonne route »…
La suite du parcours n’est pas très difficile jusqu’au Caselle Mastarino dans le village de Sigirino, c’est de la route goudronnée… toujours pas terrible pour moi, je continue de me faire doubler.
Je me retrouve seul, pour la montée (env. 400m d+) dans le bois sur un chemin de cailloux qui obligent de corriger sans cesse l’orientation du pied sur le sol et n’est toujours pas bien adapté pour pousser avec les bâtons. Mais je retrouve un rythme. En arrivant sur le replat du Monti di Torricella, c’est à nouveau un bout de route goudronnée, la nuit commence à être longue, tout comme les faux plats. Après 3h40 de course, c’est enfin Arosio, le premier gros ravitaillement, j’ai rattrapé 2 concurrents juste avant d’y arriver. Je suis environ 80ème et il y a environ 4-5 personnes qui se restaurent. Je demande un peu de bouillon pour éviter les crampes avant la grande montée, il m’est servi beaucoup trop chaud et même après y avoir ajouté l’eau froide de la fontaine, je suis obligé de boire, gorgées, après gorgée. Le temps d’arrêt me paraît long. Je m’élance enfin pour la montée jusqu’au Monte Ferraro (650m d+), rapidement j’ai la gorge qui s’assèche à cause du trop de sel dans le bouillon. Puis des gaz, l’estomac n’est pas au top. Je m’arrête dans un pt’i coin pour faire mes besoins, quelques concurrents me rattrapent. Les première lueurs du jours commencent à pointer le bout du nez au travers des denses feuillages. A partir de cet instant, l’estomac, le moral, le rythme reviennent. Je vais rattraper passablement de concurrents dans les longues montées (presque 700m d+), parfois raides, jusqu’au Gradicciòli 1936m.
Puis c’est au tour du Mt Tamaro (240m d+) qui est rapidement gravis et encore 3 de rattrapé. La redescente jusqu’à la cabane Tamaro se passe bien, je m’y arrête 1 minute pour recharger de l’eau, et boire enfin… la gorge toujours séchée par le bouillon. 1 litre d’eau pour les 2h30 de montée et 30′ de redescente. J’ai passablement du me rationner.
La descente traverse encore quelques petits névés, qui ont énormément fondu depuis 15 jours. Puis nous arrivons sur l’arrête de l’Alp de Fopa, ou je me fait rattraper par deux concurrents. Heureusement la suite de la descente, bien que technique et difficile, toujours à cause des chemins de cailloux pas plats se passe plutôt bien pour moi. Personne ne me rattrappe et je parviens même à dépasser Fabrizio Russo qui n’en peux plus de cette descente…
Juste avant le ravitaillement du Monte Ceneri, j’avais déposé une valise avec du ravitaillement, des vêtements de rechange et surtout des nouvelles chaussures. Fabrizio me redépasse durant mon arrêt.
J’arrive en 66ème position au ravito. J’en profite pour bien m’hydrater, il y a enfin du thé et il est bon. Je ne m’arrête pas longtemps, recharge mes gourde et repart à l’attaque de la montée facile, vers Cima di Medeglia (env. 700m d+), en même temps qu’un Italien.
Il va rapidement me laisser partir et un peu avant le sommet, je dépasse encore l’Afgan SKANDAR HAKIMI (il s’est confectionné deux bâtons avec des morceaux de bois) et un Allemand.
Peu efficace sur les longs faux plats descendant en direction de Monti del Tiglio, je me fais dépasser « en induction » par l’Afgan, puis par l’Italien un peu moins à l’aise. Au final, je fini par arriver juste derrière lui au ravitaillement ou je croise DECAESTEKER DAVID qui repart.
De mon côté, je souhaite prendre 5′ de repos avant d’affronter la montée raide et parfois vertigineuse en direction du Pizzo di Corgella (600m d+).
L’endroit n’est pas très adapté, je me contente d’une fine bande d’herbe à côté de barbelés, mais cela me fait du bien. De plus, il y a enfin du Coca à boire. Nous repartons à 4 avec l’Italien, l’Afgan et le Valaisan OGGIER NICOLAS revenu de l’arrière.
C’est rassurant de savoir que je ne suis pas seul sur ce tronçon, mais arrivé proche du sommet, je m’échappe et prend un peu d’avance.
La descente, que j’avais bien repérée se passe plutôt bien, mis à part que je Shoot une racine et pendant quelques instants, j’ai pensé avoir éclaté mon gros orteil droit. Heureusement, ce n’était pas le cas, la douleur fini par passer. C’était juste l’occasion de me faire penser à prendre mes 3 granules d’Arnica.
Au ravitaillement d’Alpe Caneggio, je rattrape un concurrent visiblement malade de l’estomac, sur le point d’abandonner. Je refais juste le plein de mes gourdes avant d’emprunter le raccourcis dans la foret qui nous permet d’éviter le Camoghè trop enneigé pour y faire passer des coureurs pas suffisamment équipés.
Seul durant toute la longue, mais facile descente sur Isone, je reviens sur PEZZUOLO STEFANO.
A Isone, je croise à nouveau DECAESTEKER DAVID qui repart.
De mon côté, je profite de la base de vie pour une douche, un changement complet de vêtements et chaussures. Puis un petit repas de pâtes, sauce tomates et fromage. Exactement ce que je devrais évité pour mon arthrose, mais l’envie d’un repas chaud est plus forte.
Justement le redépart est difficile, des douleurs dans la hanche gauche, les muscles sont froid et la descente sur Isone qui ‘est terminée par une bonne portion de goudron n’ont rien fait pour arranger les choses.
Heureusement, il n’y a plus beaucoup de descentes et la remonté sur Gola di Lago (250m d+) est facile et je démarre tranquillement.
Au niveau des anecdotes :
Un rassemblement de vieilles motos me tourne autour, telle un essaim d’abeille, au moment au je traverse le parking d’Isone. Je me serais cru sur le port d’Athène, tellement les odeurs de gaz d’échappement étaient fortent. Presque intoxiqué !
Puis durant la montée, des coups de feux incessants m’exaspèrent. J’ai l’impression d’être dans une zone de guerre… mais c’est juste une équipe de chasseurs qui s’entraînent et font la fête, je les croisent à côté du stand de tir.
Dans la montée, jusqu’au ravitaillement de Davrosio (un peu plus de 200m d+), je rattrape à nouveau PEZZUOLO STEFANO, mais ne parvient pas à le dépasser.
La fatigue commence à s’installer durablement, mon rythme et mes foulées ne sont plus aussi efficaces, j’essaie de m’accrocher. Mais cela devient vraiment difficile et la montée jusqu’au sommet de Caval Drossa (env. 500m d+) devient un calvaire, je vois Stephano prendre inexorablement des mètres d’avances. Finalement, juste avant l’attaque du Mt. Bar (250m d+), je dois l’accepter : je suis victime d’un coup de barre.
Je tente une micro sieste de 5′ malheureusement couché dans une fourmilière, mais cela suffi juste pour me permettre d’atteindre le sommet
Puis rallier le ravitaillement suivant à
Piandanazzo.
Ou je profite d’une véritable micro-siestes de 15′, sur un confortable canapé. Cela était nécessaires pour atteindre Monte Gazzirola 2215m, le dernier grand sommet de l’épreuve (+500m d+).
Pendant mon Sommeil, L’Afgan SKANDAR HAKIMI en profite pour me dépasser. Il est performant en course à pieds, sur les chemins d’approche, mais je le rattrape dès les premières pentes.
Pour moi, passage au Sommet à 20h03, il commence à pleuvoir. De plus en plus fort, je sens que je dois me dépêcher d’atteindre l’autre sommet de ce massif ou il y a une grande croix, puis basculer dans la descente avant que l’orage n’éclate vraiment.
Eh bien, c’est raté, le premier éclair jailli au moment où je m’apprête à toucher la croix. Je sursaute, à la détonation, elle n’est pas tombée loin, j’imagine environ 700 au vu des 2 secondes entre l’éclair et le coup de tonner.
Je prends les jambes à mon coup et cours aussi vite que je peux pour m’éloigner du sommet et de l’arrête.
Ça pète de tous les côtés, que faire ?
J’ai la trouille de ma vie, mais sais qu’il y a un refuge pas loin côté Italien (le refugio Gazzirola). Sous la grêle, Je dévale les pâturage escarpé pour rejoindre le chemin qui y mène.
Mais arrivé sur place, c’est pas plus rassurant, le refuge est fermé, pas d’endroit pour se mettre à l’abrit, le terrain est détrempé et les antennes du paratonnerre semble plutôt propice à attirer la foudre plutôt que d’être un lieu de protection. Je décide de continuer à travers champs, en dessous de l’arrête et du chemin officielle. Mais à un moment donné, les pâturage s’aplanissent et deviennent plus vastes. Je n’ai pas le courage de continuer d’autant plus que j’ai l’impression que la majorité des éclairs se donnent devant moi.
Je me cache dans une partie érodée du terrain et décide d’attendre ici, recroquevillé, que l’orage passe, il est 20h24.
8 minutes plus tard, je vois l’Afgan qui galope au milieu des éclairs, bien sur l’arrête et le chemin officiel. Je lui dis que c’est dangereux et qu’il faudrait mieux trouver un trou et attendre que l’orage passe. Il me répond que si il doit mourir, ce n’est pas grave, il fait confiance à sa bonne étoile… (j’imagine qu’il a dû vivre des choses bien pire) et décide de continuer avec lui.
Progressivement l’orage se calme, puis la pluie cesse. Nous sommes à moins d’un 1km du ravitaillement de San Lucio.
Cette expérience m’a tellement stressé que la fatigue s’est envolée.
Nous arrivons finalement détrempé au refuge de San Lucio, j’y retrouve un collègue de Swisspeaks 660, PHILIPPE CARRARD, arrivé, lui, juste au moment du début de l’orage.
Alors qu’il repart, je prends le temps (20′) de me changer complètement… (Pour une foi, que les kilos d’habit transporté sur le dos servent a quelque chose). L’Afgan n’a pas de rechange et décide de continuer immédiatement.
C’est vraiment agréable de repartir au sec et chaud, équipé de chaussettes étanches.
Finalement je rattrape Philippe un peu plus loin à l’attaque de la descente de la Cima di Fiorina. La nuit est tombée, nous somme dans le brouillard et le chemin détrempé est devenu hyper glissant est dangereux. Nous décidons de ne prendre « aucun risque » (pour nous l’objectif c’est clairement la Swisspeaks 660) et décidons de terminer les 35 derniers km ensemble, sans courir.
Et malgré cela, juste avant d’arriver à la Capanna Pairolo, après une descente d’enfer, sur un terrain boueux, remplis de racines, de branches, de feuille et de cailloux, parfois invisible, j’imagine à cause du relâchement Philippe fait une glissade et casse son bâton, il est rempli de boue de la tête aux pieds.
Au ravitaillement, il profite de la fontaine pour se nettoyer et enlever son pantalon long. Il arrive également à réparer et redresser son bâton.
Il est 23h15 et nous repartons pour les 22 derniers km.
Lui à de la peine dans les montées, son estomac n’est pas au top. Moi je dois m’accrocher dans les descentes non technique, car avec ses grandes jambes, il a une allonge impressionnante.
Sur le replat avant le dernier ravitaillement d’Alpe Bolla, nous rattrapons l’Afgan, qui n’a presque plus de lumière. Il va profiter des nôtres jusqu’à la route goudronnée au-dessus de Villa Luganese.
Avec Philippe, nous terminons au petit matin, ensemble 54ème en 30h23′, juste devant CLAIRE BANNWARTH 30h58′.
Le dernier effort est consacré à la douche.